Nous n'avons fait que fuir
Nous cogner dans les angles
Nous n'avons fait que fuir
Et sur la longue route
Des chiens resplendissants
Deviennent nos alliés

J'ai connu des rideaux de pluie à draper des cités souveraines et ultimes. Des cerceaux déchirés couronnant les chapelles de la désespérance.
Et tourne l'onde, et tourne l'onde et tourne l'onde et tourne et reviens-moi au centuple,

Reste / accroche / Rêche, me caresse, me saoule et me saborde.
Dérape / s'enroule / poulie de malheur / pourrie / chaleur, me devient familier le chant des automates.
On est plombé, mon frère, des oripeaux de plomb, j'te dis, de la tonne superflue / carcan / jour et nuit / carcan / fossoyeur / carcan / tout sourire aux dents vertes et nous consommerons, cramés par des soleils de pilules d'apparat, cernés par le fatras trop habile et tu pourras ployer, personne ne verra rien.

Et puis des anciens charmes qui te remontent enfin du dernier des je t'aime. J'aperçois des caboches saturées de limaille qui replongent leurs yeux au coeur de l'horizon. Et des possibles errances à la poitrine fière mais toujours en douceur.

On a l'art du ruisseau
On a l'art de la plaine
On a l'art des sommets
On a l'art des centaines de millions
de combattants de la petite vie
qui se cognent aux parois
On a l'art de faire exploser les parois
On a l'art des constellations
On a l'art des chairs brutes

Mais on a l'art de l'abîme
Et on a l'art du fracas
Et on a l'art de la pente douce
Et on a l'art du silence

Dis-moi est-ce que je peux
Entourer de ma peau ton joyau
de platine
Je l'ai vu qui palpite
Sur le bord du chemin

C'est vrai, c'est pourtant vrai
C'est vrai, c'est pourtant vrai
C'est vrai, c'est pourtant vrai

Le caveau est immense, même la pierre a bondi elle veut se mesurer aux planètes, à la Voûte
Elle peut donner des cours d'une autre architecture aux “Buildings”

“Tu l'as vu mon éclat il est dû au hasard enfin on dit comme ça, ma forme était connue depuis la nuit des temps, je parle de maintenant d'ici et de maintenant. Allez salut cousin bonjour à tes nuages !”

Un cortège se met en route, une kyrielle d'assassins, tous insectes de proie. Ils marchent ils avancent ils signent du bout des lèvres leur projet pour le siècle qu'on lit les yeux crevés.

Alerte ! Tous aux abris, aux caves ventres chauds qui te protégeront, retourne chez ta mère ...

Ta mère, ta mère était blonde, blonde comme les blés, elle laissait s'écouler des trésors de chaleur de la chair de sa voix. A moins qu'elle n'ait été demi-princesse indienne, te faisant boire la nuit des breuvages cuivrés comme une peau d'iguane. Approche tes lèvres approche !

Approche tes lèvres approche !
Approche tes lèvres approche !
Plonge, redis-moi d'où tu viens, s'écoule au fond des puits le remède ancestral. Ou l'on n'existe pas ou l'on peut tout saisir dans le feu d'un éclair, dans le demi clin d'œil, claque ton étendard au vent et chuuut / on le garde au secret.

Avale ta langue, maint'nant, on te saisira tout, huissier, corbeau, vautour, charognard, tour de vis, identité / Police

Ô le milliard de pétales de roses blanches disposés délicats, sous nos petits pas monstres...

Et me nage, plus m'énerve, me suis couché, m'étend, l'onde parcourt mon flanc, la marche du serpent peut reprendre ses droits...

Alerte rouge, alerte ! Alerte rouge !
Et pourquoi rouge d'ailleurs, a-t-on jamais vu des alertes bleu ciel, et nous crétins célestes, enveloppés dans le cosmos, à flotter dans l'éther, peinards, troués l'azur... Et merde !

Avions fusées en chasse, ça pouvait pas durer, zèbres acier sans savane aux sanglantes parures, striant la toile et cravachant silence.

En bas, le sol crevé offrant sa panse intime à la morsure du ciel.

Alerte !

Paraît qu'on est des anges au paradis des octaves, qu'on peut gravir facile, c'est question d'entraînement, c'est pas pour les potiches, sale petite peste, pudding, cœur bouilli, sauce anglaise à la menthe, il faudra qu'on t'enseigne l'esquive frontale, une muleta blême qui se rêve immobile !

Keskya tu dis rien ?
Tu as perdu ta langue ?

Alors ces anges-là, alors ces angelots de la muerte câline se désolidarisent, sont engins du désastre, harnachés corps et âme, sur leurs armures brillantes on peut voir le reflet de nos pauvres carcasses aux regards qui s'affaissent.

OK d'acc / pas d'pitié / j'ai pas / tu sais / pourquoi souviens / tu / moi aussi / j'aurais / on n'y peut / mais bien sûr / j'y vais / d'accord / donc / rassemble-moi / puzzle / débris d'éclaboussure / sole mio / raclure !

On a droit au repos à la fin oui ou non ?
Tu perds ta langue enfin ?
Tu as perdu ta langue ?

Je connais des collines qui s'imaginent reines, règnent sur l'opéra des orages féminins, et tu peux doucement poser ta tête nue sur leurs courbes de pain de joie et de misère.

Ces morsures de poussière mais poussière accueillante. Des tissus élastiques, de la chair de printemps, un carrousel vibrant sur un axe impétueux.

S'étourdir / le sang mélangé
S'étourdir / au son des astres morts
S'étourdir / le sang mélangé
S'étourdir

Prenez-nous pour des cons
Prenez-nous pour des chiens
Continuez
Ne vous gênez pas
Vos crachats ça nous fait des coquilles
de cristal
Il suffit d'empoigner la crinière de l'étoile.

Moi aussi j'adorais les courses de bagnoles américaines à la télévision, et puis les cris stridents des pneus chauffés à blanc, tôle froissée sur l'asphalte, et tout ce cimetière de la calandre acier. Ca levait pas c'est sûr des armées de révolutionnaires, ça t'optimise en toc, c'est bien et c'est pas cher.

Nous réclamons, morfals, notre dose abrutie, maint'nant je suis lofteur, ou lofteux, loqueteux c'est selon, c'est pas grave, ça pass'ra, on a le fondement à la taille XXL.

Tentons d'organiser les litanies infimes
C'est pour me dire à moi que je suis son absent,
Que j'appartiens déjà à l'autre rive intime
Que pour ça je respire plus profondément
Que pour ça je respire plus profondément
Que pour ça je respire plus profondément

C'est que le monde passe vite, deux trois dimanche en pleine lumière et des enfants qui courent

Les vieux claquent leurs dents sur des vitraux sans dieux

L'apéritif n'en finit pas de raconter sa vie
Et la vie est passée
Et la vie est derrière
La vie était partout et la vie est nulle part.

Il y a que tout ou presque se passe au bord de l'ombre, à demi-mots perdus, au carrefour des mystères, confluent souterrain.

Nous n'avons fait que fuir
Nous cogner dans les angles !

Entre les lampadaires
A des années-lumière
Du salut éternel

Salut comment vas-tu ?
Moi ça va, toi ça va ?
C'est très bien, c'est très bien

On a presque compris les murs sont familiers

Tu perds ta langue enfin ?
Tu as perdu ta langue ?

Pauvre sac d'os et d'excréments, tu te pavanes de l'aube au crépuscule et ce n'est pas danser et ce n'est pas esquisser un pas, ce n'est pas fouetter l'air d'un geste détaché, ce n'est pas l'élégance loin s'en faut, ses lignes si fuyantes qu'on les croyait sans fin quasi inexistantes. C'est marteler encore et toujours la terre, l'enfoncer sous ses pas, se la coller la glaise sous les semelles de plomb.

On me fait signe dans un autre hémisphère, syndrome chinois / fulgurance, transperce le noyau de feu et de magma.
On m'appelle sous d'autres latitudes où des fleurs de cactus, où de grands magnolias, où des palétuviers disputent aux bétonneuses les royaumes ordinaires.

Keskya tu dis rien ?
Tu as perdu ta langue ?

Et c'est au ralenti que le défilé coule et se répand aux quatre coins de l'écran.
C'est entre parenthèses, dans un temps qui n'existe pas.

Les horloges se sont mises en grève, en ordre de bataille, de combat immobile.
Présentez, petite aiguille !
Grande aiguille repos !

Et comment tu leur parles toi, aux montres à quartz ? Il faudra l'inventer le médiateur final, foutez-moi tout ça au gnouf, et puis à la décharge, concassez-moi ces breloques et c'est comme chez Lip, tout çà ma bonne dame au rouleau compresseur !

T'as bien raison de venir du fond du grand bocal, des régions qu'ils appellent bassins industriels, les mêmes que sur le chemin des guerres, à l'aller, au retour, y'en aura pour tout le monde et t'auras du boulot, jusqu'à c'qu'y en ait plus, faut pas rêver et oh !?

Tiens-toi bien à ta barre, l'horizon c'est des conneries inventées par les utopistes si tu veux la porte elle est là, des millions de gueules grandes ouvertes qui ont plus faim que toi, mais qui sont pas plus forts que toi, car si tu collabores, car si tu persévères, nous te protègerons de notre bras armé.

Nous, on aurait voulu qu'on nous parle gentiment, pas qu'on nous mente, hein ?! Juste qu'on nous parle gentiment, pour changer des marteaux, pour changer des enclumes...

Et bien sûr ça recommence, on s'est fait marteler, on s'est fait enclumer !

Faudrait qu'on prenne la tangente, alors, la diagonale et zou !

64 cases, 8 fois 8, l'infini, renouvelé toujours, survolé grand format, on se prend à y croire, à ces combinaisons des infinis possibles.

Nous n'avons fait que fuir
Nous cogner dans les angles

Maintenant qu'on envisage la voûte céleste et le goût des cerises à défaut de leur temps encore qu'il ne faut pas, qu'il ne faudra jamais se départir de ça, de ce miel, de ce vent de la fin de l'été, et des grands peupliers si doucement courbés, les hautes herbes toutes inclinées sous l'évidence tiède mais pas soumises ah non ! Verticales dans l'âme, seulement reconnaissantes pour le présent offert, pour la caresse fauve et les jeunes filles, alors, sont les sœurs des rubans, on les dirait flottantes sur une mer de silence.

Et la ville endormie rêve de barricades
Allez on n'oublie rien !

Tu perds ta langue enfin
Est-ce que tu as perdu ta langue ?
Nous n'avons fait que fuir
Mais dans le cercle alors on pourrait s'immoler sur des cimes vertiges, pas pour tourner en rond comme on le croit parfois, non ! Pour créer des spirales, des colonnes aspirantes, et je tiens mon pégase, je ne le lâche pas, je l'ai monté à cru, il est aussi sauvage que je suis devenu après avoir appris l'alphabet pourrissant des grands calculateurs à hauteur d'escabeau, à ras des certitudes établies à quoi bon ?

Chérie, je suis devenu rationnel !

Le jour d'après cynique et je ne sens plus rien, à présent tout me glisse dessus, me coule à l'extérieur je sais me débrouiller avec le brou-haha, avec le bruit des masses.

Je suis intoxiqué volontaire
Suradapté chronique, prenez-moi comme exemple, comme jeune premier, comme mannequin vedette, je sais me mettre en scène, je sais me “défiler”

L'ai-je bien descendu ?
Les ai-je bien descendues les marches du palais d'Empereurs Communicants (de charmants chimpanzés aux mimiques de bronze et aux sourires d'ivoire)

Je suis donc un apôtre de la modernité.
Et la table est dressée nous sommes tous autour.
Le chef n'est pas là il a été retenu mais...
J'ai la croix
Elle est belle
La couronne
Elle est belle
La multiplication
Elle est efficace
La climatisation
Elle est nécessaire

Une minute ! Je sens les eaux qui montent et les troupes en chemin, à travers champs et villages ils font chialer les bustes et les portraits d'ancêtres

Socle / statues déplacées
Soc / charrues blessent la terre
Eclatent les écorces au coin des cheminées

Du coup, C'est après mûre et soutenue réflexion que nous avons voulu prendre de la distance avec la peine perdue celle de chaque jour qui se suffisait bien, que nous avons fini de labourer nos chairs, d'attendre en bons amants et patientes maîtresses qu'on nous visite enfin, qu'on nous foudroie d'amour.

Il fallait une flèche autrement décochée, une qui se planterait comme on plantait les griffes dans les poitrails indiens reliés au grand poteau et ça tourne sans fin c'est la danse du soleil.
Tu as perdu ta langue ?

Dieu est mort
Nietzsche est mort !
Désenchanté le monde !

Prends ma main camarade, j'aurai besoin de toi
Et les tueurs de merveilleux courent toujours
Arrêtez-les ! Arrêtez-les !

On voudrait discuter, il nous manque un relais, un maillon de la chaîne, ou une catapulte...

Invention, invention ! On invente un trésor et pas un dépotoir, encore que dans l'ordure poussent des fleurs sacrées...

Et tout çà c'est parure, c'est attitude vaine, c'est pose et compagnie; on le sait qu'il suffit qu'un rayon de soleil se plante au bon endroit, sur ce balcon foutoir pour que le chant s'élève.

Et tu n'y pourras rien, et je n'y pourrai rien, si tu l'as oublié, tu as tout oublié, et tu peux te baigner dans les baignoires d'or / tu peux te rouler dans la luxure encore, tu peux te pétrir le membre Imperator et l'intellect, car je sais que tu sais que tu sais que tu sais que tu sais que tu sais que je sais, mais tu seras toujours pauvre, dépenaillé, minable / et creux, caracoleur, caricature, épouvantail, ne fais peur qu'aux moineaux, je t'aime bien c'est pas ça, je fais plus que t'aimer, allez, je suis fait de même bois de sang, de la même écriture, nous sommes entre nous.

Tu as perdu ta langue ?
Allez !

Nous n'avons fait que fuir
Nous cogner dans les angles
Nous n'avons fait que fuir
Et sur la longue route
Des chiens resplendissants
Deviennent nos alliés

Bertrand Cantat, Juillet 2002

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